A Syncope, nous avons fait un rêve : celui de dresser un jour l’inventaire des tambours de notre planète. Mais  nous n'en sommes qu’au début, et pour ce numéro, nous partons du Z  du Zarb Persan en passant par le K du Kamougé de Guyane. En attendant, let’s have a drum !
A la croisée des chemins : Les Percussions de la Route de la Soie
Durant des siècles, Le Zarb, ou Tombak, a été  joué dans les palais  persans comme instrument d'accompagnement avant de devenir le symbole identitaire de toute une génération de musiciens iraniens. C'est au début du XXème siècle que  le "Maître des maîtres"  Ostad Hosain Tehrani (1912-1974) donne ses lettres de noblesse au "Tombak" en l'introduisant comme instrument soliste à part entière. Pour en apprendre davantage, nous avons rencontré Keyvan Chemirani, le percussionniste qui a marqué les esprits avec  son album et spectacle mêlant  complémentarités indienne, iranienne et malienne. Keyvan est le fils et l'élève de Jamshid Chemirani, lui-même disciple de Ostad Hosain Tehrani
Syncope : Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est le Zarb ?

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Keyvan Chemirani :
Le Zarb  tient son nom de l'arabe "Darb", en persan "Zadat", qui signifie "frapper". Zarb viendrait peut-être aussi du mot perse “Zarbi”. Par exemple : “T'ch'hor Zarbi”  est un rythme à quatre temps. Quant à Tombak, il s'agit simplement d'une onomatopée. Cela vient des deux frappes principales de l'instrument : Tom  avec la main droite sur le milieu du Zarb et Bak sur le côté, qui donne la frappe aiguë. Le Zarb est la percussion principale utilisée dans la musique traditionnelle savante persane. C'est un instrument de percussion digitale, non pas au sens électronique, mais parce qu'il est joué avec les dix doigts. Je dis cela par opposition aux percussions africaines qui sont jouées avec la main. Il existe deux façons complètement différentes de l'appréhender, soit en instrument d'accompagnement, soit en instrument de soliste. Traditionnellement, on jouait de cet instrument à la Cour des Princes, dans les salons…devant le Shah.

S : Comment est-il fabriqué et pourquoi lui donne t-on cette forme si particulière ?
K.C. : C'est un instrument en bois composé d'une seule pièce (bois dur : mûrier, noyer, cerisier, merisier) et qui, travaillé au tour, prend la forme de calice. Sur l'ouverture la plus large, on pose une peau de chèvre. La forme est importante car les basses vont sortir par l'ouverture restante, avec une caisse de résonance suffisamment large pour adoucir le son. Le Zarb a un son très enveloppé qui  est plus fin et plus sourd que celui de la Derboka. En général, les instruments iraniens sont très doux, je dirais même "intimes", car au départ, il s'agissait avant tout d'instruments de musique de chambre. Il y a le Setar (ndrl : guitare à 3 cordes dotée d'un long manche et d'une petite caisse), le Kemanjé (la vielle), le Nail  (la flûte).
S :  Le choix de la peau de chèvre est-il important ? K.C. : Le choix de la peau se révèle primordiale, selon qu'elle est épaisse ou fine. Avec une peau plus épaisse, on a un son avec moins d'harmoniques qui se rapproche davantage de celui des Konga afro-cubains, avec peu de résonance et un son plus mat. Le fait d'avoir peu de résonance  permet d'être plus précis, plus net et plus discret à la fois. Le son "arrêté" ne résonne pas comme sur une peau très fine. C'est de plus en plus à la mode en Iran, d’avoir des instruments aux peaux très épaisses. Après, tout dépend du goût de chacun. Moi, j'ai une préférence pour le type d'instrument aux peaux plus fines, comme par le passé. Le problème du Zarb, à contrario de beaucoup de percussions comme le Tablã indien est qu'il n'y a pas de système d'équilibrage de la peau. Une fois qu'elle est posée, c'est définitif. On va être tributaire des températures, de l'humidité, de la sécheresse, de la chaleur… On a des trucs, comme une petite serviette imbibée d'eau pour détendre la peau. Ou des petites chaufferettes électriques très douces pour chauffer légèrement. Il existe un système très récent qui permet d'accorder le Zarb, mais cela reste encore à l'état expérimental...  
  (c) Article rédigé par Yasmina Rayeh 
                                                           
SYNCOPE N °9  FEVRIER 2005