KEYVAN CHEMIRANI
LES FUSIONS MUSICALES OPPORTUNISTES...
 
Le zarb est- il un instrument à la mode ? Que pensez vous du fait qu'on le retrouve dans des styles très différents avec des percussionnistes comme Pierre Rigopoulos issu du conservatoire expérimental de Pantin ( 93 ) et qui joue du zarb dans des groupes de jazz, à l'opéra, au théâtre ?
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Je ne suis pas du tout fermé à ce que fait Pierre car il le fait bien.  Pour moi il est évident que ce que je n'aime pas aujourd'hui c'est ce qu'on entend de plus en plus c'est la culture des fusions. Bien au contraire, mais il ne faut pas que la fusion rime avec un non sens musical. Aujourd'hui ce qui se passe dans certains festivals c'est que très souvent la couleur locale est une excuse pour que les organisateurs qui ne sont pas des artistes, ni des créateurs prennent de l'argent. Par exemple on a beaucoup fait avec les percussions où on voit apparaître des festivals où viennent des groupes… Pour 80% des groupes … C'est n'importe quoi on a un chanteur pris au hasard, qui va chanter par exemple avec une cora malienne qui est forcément accompagnée (cequi est abérrant) d'une basse, d'un synthé et d'une percussion comme la batterie.() Le groupe d'après,  ça va être un chanteur afro-cubain avec un groupe de salsa et basse batterie percu  etc… Je veux dire que cela tue le style …On veut moderniser la musique traditionnelle en la mélangeant à des instruments contemporains et vous avez alors de grands spectacles où il n'y a pas réellement de rencontres culturelles avec une appréciation mutuelle des styles musicaux.()

Est - ce que c'est dû à l'accoustique ?

Non, c'est du au fait qu'on mélange tout et n'importe quoi sans  tenir compte des singularités musicale de chaque groupe. Ils ne sont pas obligés de mélanger les instruments traditionaux et modernes. De sacrifier leur culture musicale. Ce que je veux dire c'est qu'il faut laisser de la place pour la rencontre mais que ce soit vraiment un  échange. Que l'on conserve vraiment la culture de chacun. Que ce soit un échange de cultures pas un matraquage européano-américain avec un  fond de couleur locale…

alter mondialiste ?

Je tiens vraiment que chaque culture garde sa singularité et son caractère. Tout ce qui forge le caractère d'une culture, d'une musique est très difficile à déterminer, mais il y a des choses qui sont forgés par les années, par la culture, et on ne peux pas dire comme ça " on se met ensemble et tiens je prends une gamme et je la rend similaire à une  autre ". Par exemple les gammes de la cora (instrument à corde africain) et le sétar (instrument à cordes iranien)  sont des gammes très proches mais ce ne sont pas les mêmes gammes. Les deux instruments dialoguent dans le concert. Il serait impensable de voir le joueur de cora accorder son instrument pour qu'il arrive à obtenir la même tonalité que le joueur de sétar . Là ce ne serait pas intéressant. Non  Qu'on entende les disparités, qu'on entende le changement, c'est beau aussi…

En Iran aussi il existe aussi ce rapport au sacré avec la musique soufie. Finalement vous êtes attiré par le mysticisme musical ?

Finalement dans les musiques persane, indienne, africaine je suis attiré par ce que l'on y retrouve : l'ivresse.

FIN

( c )  Propos recueillis par Yasmina Rayeh


SYNCOPE N ° 12 MaI  2005
Photo : ( c ) Yasmina Rayeh