Lo Rwa Kaf est mort, vive le roi !

Le vendredi 23 juillet, on apprenait la disparition à 83 ans d’un très grand maître de Maloya. Un maître ?
Plutôt un roi : Gérose Barivoitse dit
Lo Rwa Kaf. Un roi noir.

 

Serviteur du Maloya à une période où celui-ci était interdit, il fut l’un des acteurs majeurs de sa survie à La Réunion ainsi que l’un de ses meilleurs interprètes. Moins connu que ses pairs en métropole malgré ses passages à Angoulême en 1984 et à l’Olympia en1992, il a réalisé deux albums : Somin Galisé et Tradition Maloya chez Discorama. Autre fait d’armes et non des moindres, il fut, par son appellation même - le Roi Cafre, le Roi des Noirs ( voir encadré ) - l’un des premiers artistes à donner une connotation positive à la négritude réunionnaise. Surnommé Lo Rwa dès l’enfance car seul garçon de la fratrie, Gérose Barivoitse se vit attribuer l’épithète Kaf par son patron de l’époque un gros blanc chez qui il travaillait, et qui se demandait pourquoi on l’appelait toujours le Roi, lui ce journalier agricole ? La réponse obtenue, il décréta, que si roi i ll devait être, alors ce serait celui des Kaf et c’est ainsi qu’il garda ce nom !

Des origines malgaches assumées

Plus tard l’ironie de l’appellation allait se muer en réél titre de noblesse pour nombre de réunionnais. En cela, les amoureux du Maloya savent qu’ils ont perdu un grand homme auquel ils ne devront pas manquer de rendre hommage car il fut l’un de ces anciens qui essuyèrent les plâtres à une époque où il n’était question ni d’enregistrement, ni de tournée mais plutôt de répression et de raillerie si l’on assumait ne serait-ce qu’en chantant la malgasité et à fortiori l’africanité. Descendant d’une grand-mère  malgache du pays antandroy, il ne manqua pas à l’instar de Granmoun Lélé, de reprendre des chansons de la Grande Ile qu’il avait tellement entendues gamin, qu’il savait qu’elles faisaient partie de lui. Il ne parlait pas malgache mais se rendit sur la terre de ses ancêtres à l’aube des années 80. Loin des grands discours, il a transmis son expérience de maloyèr aux membres de sa famille, mais aussi à des chercheurs et à d’autres artistes. Conteur reconnu dont l’œil malicieux trahissait une humeur heureuse, c’était un vrai roi de l’histoire créole, des devinettes ( sirandade ), qui nous font songer à un autre roi disparu : L’ haïtien Coupé Cloué. Célébrons-les bien ces Granmouns tant qu’ils sont là ! Ces Lélé,ces Baba, Viry, Apollon Vallade, et consorts …

( c ) Article rédigé par Stéphane Delphin


Le “ Kaf “ par Philippe Mazaka

Au départ , le terme Kaf ( Cafre ) désigne uniquement la population d’esclaves noirs africains qui proviennent de la région du Mozambique. Peu à peu, le terme s’élargit jusqu’à englober l’ensemble de la population noire ou «foncée» qui n’est pas d ’origine africaine : malbar, métis malgache. Aujourd’ hui, les Kaf sont les enfants des esclaves africains ou malgaches ; ou des engagés indiens.

PS : Suite de l’article avec les réactions de la fille du Rwa Kaf, Marie-P ierre, Christian Mousset
( Musiques mêtisses Angoulême ) et Paul Mazaka.





SYNCOPE N ° 4 Septembre  2004